Jour 6 : Arrivée dans le second clan korowai
La faune et la flore
Mercredi 5 juin 2013
Nous reprenons notre marche dans la jungle. La pluie d’hier a cessé et quelques rayons de soleil parviennent à percer la canopée.Les obstacles se font plus rares : moins de rivières à traverser, moins de boue, moins de troncs en travers du chemin. N’ayant plus besoin comme la veille de nous concentrer sur chacun de nos pas, notre attention se détourne vers la nature qui nous entoure. Nous prenons le temps de nous arrêter pour étudier l’étonnante flore à nos pieds, comme ce beau bouquet de plantes carnivores (probablement des nepenthes[1]),
[1] Pour en savoir plus http://www.infoscarnivores.com/nepenthes.htm
ou ce fascinant spécimen de phallus indusiatus, un champignon des plus étranges qui porte une belle jupe en dentelles (qui lui vaut son nom anglais de veiled lady « jeune fille voilée » [2]).
[2] Il est utilisé en Asie comme aphrodisiaque.
Les yeux rivés sur nos pieds ou sur le sol, nous en oublions parfois de lever les yeux. Alors que la canopée est si belle, sublimée par la lumière du jour !
Nous faisons parfois de surprenantes rencontres : une colonie de fourmis géantes au détour d’un tronc,…
…des araignées qui nous barrent le chemin de leur toile suspendue…
Les porteurs
En chemin, comme la veille, les porteurs font résonner la forêt de leurs cris et de leurs chants. Chaque jour qui passe, j’en apprends un peu plus sur eux. Je connais maintenant le prénom de chacun d’entre eux.
Nous marquons une pause. Nadus et Herman abattent plusieurs palmiers pour en défaire le cœur. Un à un, ils dénudent les troncs en seulement quelques coups de hache ou de machette qu’ils manient avec une dextérité sans faille. Je suis impressionnée. Quant aux cœurs des palmiers fraichement coupés, qui sont partagés entre tous, ils s’avèrent succulents.
un coup de machette ou de hache
jusqu’en bas
Puis on enlève la « peau »à la main…
Et on recommence… jusqu’à ce qu’on atteigne le cœur !
Un peu plus loin, la pause déjeuner est aussi l’occasion pour moi d’exercer mes compétences en bobologie, acquises au fil des années, notamment depuis que je suis maman et que je voyage avec mes enfants. Je remporte haut la main la palme du meilleur équipement de santé : ma trousse de secours et ma trousse à pharmacie sont compactes mais complètes, pour parer à (presque) toutes les éventualités. L’un des porteurs s’est blessé l’arcade avec une branche, un autre a l’œil infecté… Je soigne les bobos à la chaîne, à tel point qu’on m’appelle « Stéphie doctor ».
L’arrivée à notre destination finale
Bientôt nous apercevons le toit en palmes d’une maison longue. Construites à même le sol, ces maisons servent à accueillir les invités ou les visiteurs.
Seul un cours d’eau nous sépare maintenant du campement de nos hôtes. Enfin nos hôtes… c’est vite dit ! Bob, notre guide, nous apprend que les Korowai qui vivent de l’autre côté de cette rivière ne sont pas au courant de notre venue.
Plusieurs troncs, posés en travers de la rivière, font office de pont. Comme l’installation ne nous inspire guère, nous longeons la rivière sur quelques mètres, dans l’espoir de trouver un passage moins périlleux. Une maison haute s’offre alors à notre regard, et à nos appareils photo.
Puis Bob nous demande de les ranger, et de rester calmes. De l’autre côté, un homme, le chef, nous regarde. Il se tient debout, menaçant avec son arc tendu et ses flèches. Un des porteurs part en éclaireur. Il s’entretient avec le chef, lui expliquant la raison de notre visite. Nous ne venons pas ici avec de mauvaises intentions. Nous souhaitons savoir comment vivent les Korowai. Puis l’un après l’autre, les porteurs, puis Bob en-tête, nous traversons le pont de fortune.
En file indienne, nous allons tendre notre main au chef en lui disant manoptolobo (« bonjour » en langue korowai). Il nous tend sa main en retour et nous adresse un sourire. Ouf.
Le chef s’avère finalement très hospitalier. Bob nous explique qu’accueillir les visiteurs avec un arc tendu fait partie des habitudes. Drôle de coutume quand-même !
L’installation
Le chef nous invite à nous installer dans la maison longue. A peine sommes-nous à l’abri, qu’il se met à tomber des cordes.
Depuis la maison haute en face, des enfants et des femmes nous observent.
Nullement découragée par la pluie, une femme vient à notre rencontre avec son bébé, qui doit avoir neuf mois (il a deux dents), et son jeune fils. Je lui montre les photos de mes enfants, et j’essaie de communiquer en korowai. Je parviens à comprendre qu’elle a quatre enfants. C’est un bon début !
Une fois les tentes montées, nous profitons d’une accalmie pour aller nous laver à la rivière. La « salle de bain » est moins charmante et moins bien aménagée que celle de la veille, mais ça fait du bien quand-même de se sentir propre !
Quand nous rentrons de notre bain, la nuit est presque tombée. Et la pluie reprend de plus belle. Parfait timing. Le ciel est paré de milliers d’étoiles. C’est beau.
Dîner aux chandelles.
21 heures. Tout le monde dort, du moins est couché, bien à l’abri des insectes dans sa tente. Je n’entends plus que le bruit de la pluie qui crépite sur le toit en palmes, la stridulation des insectes nocturnes, les voix sourdes des porteurs qui discutent avec leurs hôtes autour d’un feu à l’autre extrémité de la maison longue, et les cris des cochons !
J’écris pendant une heure. C’est le temps qu’il faut pour que les cochons se calment. Ils ont du s’endormir. Je m’endors à mon tour, bercés par le bruit de la pluie qui tombe et les voix sourdes des Korowai, qui eux, semblent ne jamais dormir.