Le Yacout : un trésor caché de la médina de Marrakech

A l’occasion d’un séjour exclusif père-fille à Marrakech en mai 2015, pour lequel j’avais laissé mari et enfants au bercail, j’ai découvert quelques secrets bien gardés de la capitale marocaine. Mon père et moi connaissions déjà la ville de Marrakech pour l’avoir visitée une dizaine d’année auparavant en compagnie de mon père et de mes deux frères. Nous voulions cette fois-ci sortir des sentiers battus. C’est ainsi que nous avons découvert le luxueux restaurant Le Yacout.

Le Yacout ne se laisse pas facilement approcher. C’est en me renseignant sur le nom de la porte qui avoisine notre Riad, situé à l’intérieur de la médina, que j’ai découvert l’existence de ce restaurant. Lors de sa création, il y a une vingtaine d’années, le Yacout, a connu un tel succès – notamment auprès de la famille royale qui fréquente encore le lieu aujourd’hui – qu’une porte a été creusée spécialement dans les murs de l’enceinte de la médina pour en faciliter l’accès. Le restaurant a donné son nom à la porte, Bab Yacout (bab = « porte »). Seul restaurant à proximité de notre Riad, c’est tout naturellement que mon père a voulu l’essayer, nullement rebuté par la seule information que nous avions à propos de cet établissement, à savoir qu’il s’agissait du restaurant le plus cher de Marrakech. J’ai donc appelé et réservé une table pour deux personnes.

Il est 20 heures. C’est l’heure de notre réservation, mais nous n’avons toujours pas trouvé le Yacout. À trois reprises aujourd’hui, nous avons tenté en vain de retrouver l’emplacement exact du restaurant. Mais les indications données tour à tour par la standardiste qui a pris ma réservation au téléphone, et par Oussama, le réceptionniste de notre hôtel, n’ont pas suffi. Nous sommes dans l’impasse indiquée mais nulle trace de restaurant. C’est alors qu’un homme vêtu d’une djellaba blanche, nous voyant l’air perdu, s’adresse à nous en nous demandant si nous cherchons le Yacout. Cet homme, qui s’avère être le portier, nous ouvre alors une porte cloutée, qui dissimule un palais. Qui l’eut cru ! Un restaurant classé 3 fourchettes luxe, la plus haute distinction pour les restaurants au Maroc, avec si peu de signalétique ! Un mystère qui annonce bien la suite.

Pas du tout préparé à ce qui nous attend, c’est avec un plaisir évident, mêlé à de l’excitation,  que nous franchissons le seuil de la porte (et avec une petite appréhension quand-même quant au prix que nous ne connaissons toujours pas). Nous sommes accueillis par une armée de serveurs (du moins c’est l’impression que j’ai eu). L’un d’entre eux nous fait signe de le suivre. Nous montons un escalier de pierre en colimaçon qui me paraît interminable. Nous passons un étage et aboutissons finalement sur une terrasse des plus charmantes et offrant une belle vue sur les toits de la médina.

vue de la medina depuis le toit de la terrasse du yacout vue de la medina depuis le toit de la terrasse du yacout

On nous installe à une table et on nous demande ce que nous voulons boire. Ne sachant pas le prix des consommations, nous nous contentons d’une bière locale, une Casablanca, que nous savourons tout en discutant et en écoutant les musiciens locaux.

Les serveurs sont à l’affut des verres vides, signal qu’il faut faire déplacer le client. L’un deux nous fait signe de le suivre. Nous le suivons dans les escaliers, puis dans un long couloir qui débouche sur un magnifique patio, pourvu d’un beau bassin délicatement éclairé de lampes. Au fond, de la verdure habille de hautes arcades.

patio du restaurant Yacout à Marrakech

Le restaurant compte de nombreux espaces, tous différents, mais le patio a ma préférence. Ça tombe bien, c’est là qu’on nous fait prendre place.

La table est dressée de façon romantique, avec une bougie et des pétales de rose. La nuit tombe peu à peu. On se croirait plongé dans un conte des mille et une nuits. Des musiciens jouent des instruments traditionnels.

Tables dans le patio du Yacout

Un serveur nous annonce le menu, qui se propose de nous plonger au cœur de la cuisine gastronomique marocaine, avec opulence ! Rien de moins qu’une entrée, deux plats et un dessert ! On nous propose du vin, mais ne sachant pas le prix, on refuse.

Quand le serveur nous apporte l’entrée, un assortiment de petits plats (un peu à la façon des mezze libanais), il nous dit « bon courage » ; ça donne le ton. Puis vient le tajine de poulet aux olives et au citron. J’admire le serveur qui sauce le plat avec beaucoup de professionnalisme et sans s’en mettre une seule goutte sur sa djellaba immaculée. Lorsqu’arrive le couscous, on n’en peut déjà plus. Une fois de plus c’est avec beaucoup de panache que le serveur nous sert, en nous dressant nos assiettes. La viande d’agneau est succulente, tendre à souhait, elle fond sous la langue, tous comme les légumes. Le serveur nous annonce « un dessert très léger ». Tu parles ! Nous voilà devant une énorme pastilla au lait.

pastilla servie au Yacout

Dommage de laisser plus de la moitié de l’assiette (comme pour les autres plats). Je me rassure en me disant que ça va certainement finir dans l’estomac du personnel. Plus de place pour le thé/café et les petits gâteaux. Nous sommes agréablement surpris du prix, 700 dirhams par personne, soit environ 65 euros, boissons comprises. Si nous l’avions su, nous aurions pris du vin et bu du champagne en apéritif !

Nous ressortons le ventre prêt d’exploser, mais très heureux de cette soirée, qui fut une véritable expérience. Une pointe de mystère, un décor somptueux, un service impeccable, une atmosphère raffinée, un menu à la fantastique succession de saveurs, le Yacout est sans conteste un riad d’exception, un excellent restaurant (peut-être même le le meilleur de Marrakech mais je ne saurais le dire) et probablement aussi le plus beau. Le cadre vaut à lui seul le détour et les 700 dirhams.

un des couloirs du Yacout