Les douze églises de Lalibela
Même l’athée endurcie que je suis ne peut que s’extasier devant les merveilles d’architecture que les religions toutes confondues ont érigées aux quatre coins du monde à la gloire de leur(s) dieux. Parmi les nombreux édifices ou ensembles architecturaux que j’ai visités (mais beaucoup manquent encore à mon palmarès notamment les vestiges précolombiens ou les mégalithes de l’île de Pâques), certains plus que d’autres ont marqué ma mémoire. Si je ne devais en retenir qu’un seul pour chaque religion concernée je citerai le temple d’Abou Simbel en Egypte, le complexe bouddhiste d’Angkor Vat au Cambodge, les temples hindouistes de la ville en ruine de Vijayanâgara (Hampi) en Inde, la mosquée en terre de Djenné au Mali, et… les églises monolithes excavées de Lalibela.
Vous remarquerez que je n’ai cité là que des religions d’orient (y compris l’orient chrétien). J’ai beau fouiller ma mémoire, je ne parviens à visualiser aucune des églises que j’ai visitées au cours de mes escapades européennes. On ne pourra me reprocher (j’espère) de me rappeler plus des savoureuses glaces florentines que de la cathédrale Santa Maria del Fiore, ou des brioches tressées de Mamie Dilger aussi belles que bonnes que de la cathédrale de Bonn. J’avais alors une dizaine d’années. Mais étrangement mes souvenirs plus récents des églises de Lisbonne (1998), Prague (2000 ?), Venise (2001 ?), Barcelone (2003), Vienne et Budapest (2006) se sont évaporés. Pourquoi ? parce que peut-être rien à mes yeux ne les distingue véritablement les unes des autres (encore que… la cathédrale de Barcelone – la Sagrada Familia – est unique et c’est pourquoi j’en garde un vague souvenir à la différence des autres). Je doute que la chapelle Sixtine à Rome soit le genre d’églises que l’on oublie. Mais – honte à moi – je n’ai pas encore mis les pieds dans la capitale italienne. Quant à Notre-Dame de Paris, elle constitue un cas à part. Je ne peux entrer dans ce lieu sans avoir à l’esprit les descriptions de Victor Hugo et je me sens un peu comme Esméralda qui déambule dans les allées sombres de cette majestueuse cathédrale.
Pourquoi Abou Simbel plutôt qu’un autre temple égyptien qui borde le Nil (j’exclue les pyramides que j’ai visitées mais qui ne sont pas des édifices consacrés au culte d’une divinité mais servaient de tombeau aux pharaons d’Egypte) ? Pourquoi Angkor Vat plutôt que le temple de Borobudur en Indonésie ? Pourquoi Hampi plus que les caves d’Ellora ou le temple de Madurai en Inde ? Pourquoi Djenné plus que la mosquée bleue à Istanbul en Turquie ? Parce que ces sites religieux ont ce petit quelque chose en plus qui les rend exceptionnels. Une atmosphère, une grandeur, un matériau,… ou tout à la fois. Je n’oublierai jamais l’immensité d’Abou Simbel, l’ampleur d’Angkor Vat, la tranquillité et la beauté d’Hampi sous la lumière du soleil couchant, l’originalité et la grandeur de la mosquée de Djenné, et le mysticisme des églises de Lalibela.
A la fin du 12ème siècle, alors que Saladin s’apprête à reprendre Jerusalem des mains des Croisés (en 1187 exactement), en Ethiopie un homme du nom de Lalibela devient roi de la dynastie Zagwe (Zagoué) (1172-1212). De nombreuses légendes tournent autour de ce personnage. Mission divine, volonté de recréer à Roha, capitale de la dynastie Zagwe, une nouvelle Terre Sainte (l’accès à Jerusalem étant rendu difficile depuis sa prise par les arabes),… quoi qu’il en soit, Lalibela, dont le vrai nom, Gebre Masqal (ou Gebra Maskal), signifie « serviteur de la Croix », fait construire à Roha, rebaptisé Lalibela en son honneur, douze églises creusées et taillées à même le roc. Canonisé après sa mort, Lalibela fit et fait encore l’objet d’un culte. Son corps repose dans l’église du Golgotha. Lalibela, haut lieu du christianisme (orthodoxe) éthiopien, attire chaque année de nombreux pèlerins venus de toute l’Ethiopie et de plus en plus du monde entier (en particulier des Américains).
La légende raconte que la construction des églises fut achevée en 23 ans, grâce au travail des hommes la journée et l’aide des anges la nuit. Mais le manque d’homogénéité dans l’architecture, les sculptures et les peintures des différents édifices laisse penser que les douze sanctuaires n’ont pas tous été achevés au cours du règne de Lalibela mais bien au-delà. En 1272 s’achève le règne de la dynastie Zagwe, renversée par des descendants du roi Salomon et de la reine de Sabah (dynastie salomonienne). N.B. : il m’a fallu attendre de venir en Ethiopie pour comprendre l’origine du nom du gâteau que je cuisinais si souvent dans mon enfance : la reine de Sabah, un gâteau au chocolat en forme de couronne.
Construites au cœur de l’ancienne cité royale, les églises de Lalibela sont ordonnées en deux groupes séparés par le canal de Yordanos (Jourdain), à l’exception de Beta Ghiorghis (Saint-Georges) légèrement à l’écart.
LES EGLISES DE LA PARTIE NORD
Cet ensemble comprend sept églises.
Si vous êtes accompagnés d’un guide ou si vous êtes connaisseurs vous essaierez de visiter ce groupe d’églises en suivant un ordre bien spécifique. D’après les chercheurs, les églises de la partie nord auraient été construites selon un parcours théologique qui conduirait les fidèles d’ouest en est, de la mort à la vie, du péché au salut, etc. On peut ainsi continuer à chercher les symboles. Cet itinéraire commence dans la grande tranchée artificielle qui conduit au tombeau d’Adam, un gros bloc monolithe rectangulaire percé d’une grande croix. La tranchée symboliserait la traversée du désert du Sinaï qui aboutit à la Terre promise.
A l’intérieur du bloc, deux passages s’ouvrent au visiteur : l’un débouche sur Beta Uraiel. Cette petite salle qui n’était probablement à l’origine qu’une remise a été ouverte au public en 1998. Auparavant on ne comptait que onze églises au total. L’autre passage conduit au groupe d’églises, la première étant Beta Mikael (autrement appelée Beta Dabra Sina autrement dit l’église du mont Sinaï) reliée à sa jumelle Beta Golgotha, interdite aux femmes. Dommage pour moi car elle renferme apparemment sept sculptures en bas-reliefs quasiment uniques dans le pays, ainsi que le tombeau de Lalibela.
En poursuivant le chemin, on parvient jusqu’à la cour de Beta Mariam.
Deux églises-grotte font face à l’église principale, au nord Beta Meskal (l’église de la croix) et au sud Beta Denaghel (l’église des vierges).
Enfin, un petit tunnel percé dans le mur de tuf conduit à Beta Medhane Alem, l’église la plus haute et la plus imposante de toutes.
Pour ma part, je me suis complètement laissé porter. J’ai commencé naturellement ma visite par l’église la plus proche du guichet d’entrée, à savoir Medhane Alem (j’ai donc effectué l’itinéraire inverse de celui présenté ci-dessus). Là j’ai eu la chance d’assister à une messe. Je me suis faite toute petite, recroquevillée, adossée contre un pilier. J’ai observé et j’ai écouté la ferveur des fidèles. J’ai enregistré les chants et j’ai pris quelques photos sans flash (qui n’ont pas rendu grand-chose compte-tenu de l’obscurité ambiante). J’ai regardé le flot de fidèles s’engouffrer à travers les étroites portes en fer, comme aspirés par une force incontrôlable, j’ai attendu que le dernier d’entre eux quitte les lieux, et je suis sortie à mon tour. Ce moment restera sans aucun doute mon meilleur souvenir de ma visite des églises de la partie nord.
J’ai ensuite déambulé de cour en cour, d’église en église, en empruntant les étroits passages qui relient les sanctuaires de façon complètement anarchique sans chercher à comprendre la logique mais en essayant de m’imprégner au mieux de l’atmosphère mystique qui règne dans ces lieux.
Ce faisant, je suis passée à côté de nombreux détails, pour ne pas dire la majorité. En outre, une culture religieuse digne de ce nom m’a fait défaut pour percer les mystères de Lalibela qui pour moi resteront scellés.
J’aurais aimé connaître par exemple la signification des différentes croix disséminées un peu partout.
Ou encore pourquoi certains fidèles – rares – s’habillent d’un drap jaune alors que la majorité le porte blanc…
Certes il m’est arrivé au cours de mes visites de m’assoir sur une marche ou contre un pilier, et de lire les explications du guide Olizane, mais je n’ai jamais réussi à être attentive ni intéressée. Je ne me lancerai donc pas dans des explications détaillées et ennuyeuses de ce que l’on trouve à l’intérieur de chaque église. J’en serai d’ailleurs bien incapable. Les livres font cela très bien. De toutes les façons, pour moi, toutes les églises de Lalibela se ressemblent et certaines sont de vrais placards à balais. On y entrepose des instruments de musique, des fleurs artificielles, des tableaux trop colorés, des tapis, des bancs, des chandeliers,…
J’ai quand-même remarqué les magnifiques fresques au plafond de Beta Mariam qui ne passent pas inaperçues, même pour une rêveuse comme moi.
A Beta Uraiel, un prêtre m’a demandé de le prendre en photo, puis de faire une donation. Je me suis ensuite posée sur les marches qui conduisent dans la cour de ce minuscule sanctuaire, juste sous les yeux du prêtre, qui a vite oublié ma présence. C’est calme, je pouvais entendre les murmures des visiteurs et les chants des oiseaux.
J’ai terminé ma visite par une promenade sur les hauteurs du site. Il m’a d’ailleurs fallu un moment pour trouver l’accès. D’en haut, on comprend mieux comment s’organisent les églises et que tout est taillé dans un seul bloc.
Vous remarquerez les structures inesthétiques au-dessus des deux églises principales. Ces protections conçues pour être temporaires (on l’espère car c’est vraiment moche) ont été mises en place dans l’attente d’une restauration des églises pour protéger le tuf rouge dans lequel les sanctuaires ont été creusés et qui est aujourd’hui très endommagé par les intempéries.
La vue est agréable, mais moins belle que depuis les églises de la partie sud.
LES EGLISES DE LA PARTIE SUD
Le lendemain, je visite les églises de la partie sud, pour lequel j’ai une préférence. Moins fréquenté, le site possède un charme mystique incomparable, en partie dû à son architecture labyrinthique qui m’a valu de me perdre à plusieurs reprises.
Sur les cinq églises que comporte le site, seules deux – Beta Emmanuel et Beta Abba Libanos – ont été conçues dès l’origine comme telles. La fonction des autres salles reste inexpliquée. Beta Gabriel et Raphael auraient pu servir de résidence au roi et sa suite, ou au haut clergé éthiopien, ou encore de salle de trésor, compte-tenu de son architecture et de ses puissantes murailles qui font penser à celles d’une forteresse. En outre ces deux sanctuaires, pas plus que Beta Mercurios, ne sont orientés et ne possèdent de décorations et de symboles caractéristiques d’un lieu sacré (croix taillées entre autres). Dans les siècles qui ont suivi la chute de la dynastie Zagoué, Lalibela devint un centre exclusivement religieux et toutes les salles furent aménagées en conséquence.
On accède aux églises de la partie sud par un petit pont et un escalier. La vue est belle.
Les premiers sanctuaires qui s’offrent aux visiteurs sont Beta Gabriel et Raphael.
Peu désireuse de troubler les prêtres et les fidèles qui sont en plein office, je pénètre dans l’église le plus discrètement possible et je ne m’attarde pas. Je passe mon chemin en laissant derrière moi un petit groupe de touristes accompagné d’un guide en plein discours. Je ne cherche pas à tendre l’oreille pour capter quelques explications. Cela ne m’intéresse même pas. En continuant sur le chemin qui surplombe le site, j’arrive devant la façade arrière d’Abba Libanos habillée d’échafaudages. Je descends quelques marches en bas desquelles un groupe d’ouvriers s’affaire. Me sentant un peu perdue, une femme me conduit jusqu’à une porte en bois et m’invite à entrer avant de rebrousser chemin. Une seule direction s’offre à moi. Je m’engage alors dans étroit tunnel en prenant soin d’allumer la torche de mon téléphone portable. L’obscurité est telle (et la lumière que j’émets si faible) que je ne vois pas mes pieds. Excitée par cette expérience inusuelle, je me sens comme une exploratrice, mais en même temps je n’en mène pas large… Bientôt j’aperçois un rond de lumière et au moyen de quelques marches je débouche juste devant l’entrée d’une salle remplie de fidèles. C’est Beta Mercurios. Je monte d’un cran pour atteindre une petite cour ouverte sur l’extérieur. Je m’installe ici quelque temps, adossée contre un mur, pour étudier mon entourage. Les fidèles vont et viennent. D’où je suis je les peux les voir apparaître soudainement à travers les ouvertures taillées dans le tendre tuf et dans lesquelles ils s’engouffrent aussi vite.
Certains prennent le temps de se poser, comme ce vieux pèlerin que j’observe du coin de l’œil.
Je poursuis ma visite par Beta Emmanuel, la seule église authentiquement monolithe du groupe. A la différence de Beta Gabriel et Raphael et Beta Mercurios, sa façade témoigne d’un vrai travail de sculpture.
Mais à l’intérieur elle n’offre pas plus à mes yeux que ses sœurs. Il faut dire qu’encore une fois, sans l’aide d’un guide je passe certainement à côté de nombreux détails. Mais je ne regrette absolument pas mon choix. Visiter ce site sans guide offre le loisir de se poser où l’on veut et de s’attarder sur certains détails. En outre j’aime ce sentiment grisant d’être désorientée, j’aime me perdre dans le dédale inextricable de passages, de portes et de salles qui forme ce groupe d’églises, j’aime être au bord du frisson en empruntant seule de sombres tunnels.
A la sortie de Beta Emmanuel, sous les yeux d’un pèlerin emmailloté dans son drap blanc, un marchand ambulant installé sur le pas de la porte s’entretient avec quelques fidèles visiblement intéressés par ce qu’il vend. Il s’agit de drôles d’instruments de musique liturgique qui ressemblent à des crécelles, mais dont le son est beaucoup plus harmonieux comme j’aurai l’occasion de m’en apercevoir par la suite.
Toujours portée par ma seule intuition, je franchis une trouée dans le mur rouge qui me conduit… dehors ! Au lieu de rebrousser chemin, je décide de poursuivre dans cette direction. Je croise quelques fidèles qui se dirigent en sens inverse, autrement dit vers l’église.
Je m’engouffre dans une brèche aussi étroite que haute et je débouche complètement au hasard sur la cour de l’église Beta Abba Libanos.
Selon la légende, cette église monolithique aurait été taillée en une seule nuit par Masqal Kebra, la femme de Lalibela, avec l’aide des anges. A force de voir son mari s’absenter la nuit (occupé la journée par les affaires de son royaume, il ne restait que la nuit à Lalibela pour tailler les églises ; avec l’aide des anges bien-sûr…), Masqal finit par soupçonner son mari d’infidélité. Lorsqu’elle découvrit la vérité, elle s’en voulut tellement d’avoir douté de lui qu’elle décida de se racheter en taillant elle-aussi une église de ses propres mains.
La porte est fermée. Mais le garde et un fidèle me font signe que je peux entrer. L’atmosphère est tellement mystique que je ressens presque un frisson quand je pousse la porte de ma main posée à plat. Une porte grinçante à souhait. A l’intérieur il fait sombre. Il me faut quelques secondes pour que mes yeux s’habituent à l’obscurité. Un fidèle qui m’a suivie m’offre une belle pose photo.
Il me fait remarquer le tableau représentant Masqal et un ange.
Guidée par les chants qui résonnent dans tout le site, je rebrousse chemin et parviens jusqu’à Beta Mercurios. Je m’assois sur l’extrémité d’un banc occupé par des fidèles et je me laisse imprégner par cette musique envoûtante. C’est magique. En regardant autour de moi, je découvre une fresque, malheureusement dans un triste état de conservation. Je remarque aussi que je suis la seule femme. Mais ça n’a l’air de gêner personne alors je reste assise à écouter les chants.
Au cours de ma visite je croise très peu de femmes en général. Et très peu de touristes ! Si les gardes m’adressent parfois des regards suspicieux, les fidèles ne manquent jamais de me sourire ou de saluer.
Je clôture ma visite par un petit tour sur les hauteurs, au moyen d’un passage qui part de la cour de Beta Mercurios, et de là je rejoins le chemin par lequel j’étais arrivée sur le site. Cet endroit est peu fréquenté par les fidèles qui se cantonnent dans les cours ou les églises. Je m’y retrouve complètement seule. Les seuls êtres que j’y rencontre sont des petits geckos et de beaux oiseaux bleus.
La vue est belle, plus dégagée que celle offerte par les églises de la partie nord.
BETA GHIORGHIS
Dans la foulée, je poursuis ma visite des églises par celle de Saint-Georges, qui se trouve un peu plus loin, de l’autre côté de la route. Tous les guides de voyage vantent cette église comme étant la plus belle. Sans être ma préférée, Saint-Georges m’impressionne par sa démesure.
Contrairement à toutes les autres grandes églises, elle n’est pas protégée par une structure métallique, ce qui lui donne encore plus d’attrait. Il est vrai que les marques des intempéries se laissent voir sur le bâtiment recouvert par endroits par une mousse verte. Mais pour ma part je trouve que cela donne de la couleur à l’ensemble.
Je m’approche pour admirer les fenêtres sculptées. Pas trop longtemps, par peur d’être happée par le vide. Il ne faut pas avoir le vertige.
J’ai beau regarder autour de moi, je ne vois pas l’accès pour descendre. Pourtant d’en haut j’aperçois un groupe de touristes. Me voilà condamnée à attendre qu’il remonte ! Alors j’attends, l’air de rien. Soudain je les vois déboucher dans un coin de l’église. Je descends à mon tour au moyen d’un long passage ouvert qui longe une paroi de l’édifice.
Adossés à la façade de l’église, deux vieillards se reposent, l’un au soleil, l’autre à l’ombre.
A l’intérieur il fait sombre. Quand la porte n’est pas obstruée par le passage incessant des fidèles, elle laisse s’engouffrer les rayons du soleil qui viennent éclairer de plein fouet un large tableau de Saint-Georges en plein combat avec le dragon.
Un vieil aveugle détourne la tête en direction de la porte comme s’il avait perçu la lumière aveuglante du soleil qui se glisse à l’intérieur.
D’après la légende, Lalibela avait déjà terminé toutes les autres églises lorsque saint Georges lui apparut sur son cheval blanc. Le roi tailla alors une dernière église sur le lieu de cette apparition et il la dédia au saint. Je prends une photo à l’intention de Nolan qui finalement viendra le voir de lui-même avec son père le lendemain. Saint-Georges a tout pour plaire à Nolan : un cheval, une lance et un dragon comme ennemi.
Est-ce parce que Saint-Georges est le patron de l’Ethiopie (il a donné son nom à une bière éthiopienne et une célèbre équipe de football du pays), ou est-ce simplement une impression due au fait que Saint-Georges ne soit pas un ensemble d’églises mais une église unique où tout se concentre, ici plus qu’ailleurs, les fidèles défilent. Et jusqu’alors je n’avais jamais vu autant de femmes.
Je m’amuse du manège d’un vieux pèlerin. Je le vois sortir de l’église, venir titiller un autre vieillard et s’engouffrer de nouveau dans l’église.
Inscrites au patrimoine mondial de l’Unesco en 1978, les églises monolithes excavées de Lalibela ne sont pas seulement une prouesse architecturale, elles sont un lieu de vie religieuse et c’est ce qui les rend si intéressantes à mes yeux. Au cours de mes visites j’ai pu constater que les fidèles ne se contentent pas de venir à l’église le temps d’une prière, ils y vivent leur vie, certains même habitent les lieux.
J’en ai observé plus d’un, enroulés dans leur drap blanc, assis sur un banc ou à même le sol d’une église, et rester là à ne rien faire… ou à méditer, je n’oserais dire. J’en ai même vus qui dormaient.

Deux jeunes fidèles dans Beta Medhane Alem
D’autres s’affairent à des occupations profanes comme ces femmes qui trient le grain dans la cour de Beta Abba Libanos ou de Beta Mercurios.
Un peu plus loin, sur le pas de la porte de Beta Mercurios, un garde et un fidèle s’efforcent de démêler méticuleusement les brins d’un tapis de prière.
Quant aux pèlerins, qui se reconnaissent à leur bâton, ils habitent tout simplement les lieux.
Les murs des cours des principales églises sont percés de niches et de cellules qui abritent la nuit les ermites (et qui servent d’habitations aux moines). Je n’aimerais pas être à leur place !

Les « trous » sont bien habités comme en témoigne la fumée qui sort de l’un d’entre eux dans la cour de Beta Ghiorghis
Ces « trous » me fascinent. A Saint-Georges je vois une femme y mettre ses effets personnels (un parapluie et un sac) en arrivant sur les lieux. Dans la cour de cette même église je découvre avec stupeur que des personnes se cachent derrière les grillages aménagés dans le mur.
Ce qui m’a le plus impressionnée, c’est la ferveur incroyable des fidèles qui se manifeste partout et sous toutes ses formes : les chants, les signes de croix à tout va (les fidèles se signent quand ils passent devant les églises bien-sûr mais j’en ai même vus qui le faisaient depuis la grande route), l’inconfort auquel les ermites sont prêts à se frotter et surtout les postures extravagantes que les fidèles adoptent (ils s’agenouillent et embrassent le sol).
Un fidèle à Beta Ghiorghis
Laisser un commentaire
Participez-vous à la discussion?N'hésitez pas à contribuer!