Une nuit à bord du « Lunatic Express » (Mombasa-Nairobi)
Dimanche 13 avril 2014. Un peu avant 19 heures. Gare de Mombasa. Cette fois c’est la bonne. Nous allons enfin prendre place à bord d’un train de la ligne mythique « Lunatic Express », qui relie depuis le début du 20ème siècle la côte kenyane à la capitale ougandaise (Kampala). Notre destination finale : Nairobi. Petit retour en arrière.
Mercredi 2 avril 2014 : de passage à Mombasa entre deux escales sur la côte (Diani et Kilifi), nous achetons nos billets de train pour Nairobi. Au guichet, on nous annonce le ton : la date et l’heure annoncées pour le départ du train sont incertaines. Le train peut avoir jusqu’à 24 heures de retard. On nous communique un numéro de téléphone qu’on nous conseille de composer deux heures environ avant l’heure affichée sur le billet, histoire de savoir où en est le train, et de ne pas se déplacer pour rien à la gare.
Mardi 8 avril : nous avons profité de nos quelques jours de repos à Kilifi pour étudier le chapitre du Lonely Planet Kenya consacré à Nairobi, et nous avons découvert que Nairobi était une ville très chère. Pas d’hôtel à moins de 50 euros (environ 6000 KES). Du moins d’hôtel décent. Et quand on connaît la réputation (avérée) de la capitale kenyane en matière de sécurité, mieux vaut éviter de faire le malin en allant poser ses valises dans un quartier chaud. Autre alternative pour réduire le coût de l’hébergement, s’excentrer. Loin. Quand on n’est pas motorisé, et qu’on voyage avec deux enfants en bas âge, on évite. Bref, peu disposés à dilapider notre budget voyage dans un hébergement à Nairobi, et en prévision du raz de marée qui attend nos poumons dans la capitale, nous décidons de profiter un peu plus longtemps de l’air marin de la côte, quitte à ne passer que deux jours à Nairobi, où nous attend le 16 avril prochain notre avion pour Maputo (au Mozambique). Nous parvenons sans problème à échanger nos billets pour le dimanche suivant. Enfin « sans problème », c’est vite dit… tout de même les guichetiers se concertent. Apparemment, ça ne doit pas arriver souvent qu’un voyageur demande à échanger son billet, c’est peut-être même la première fois. Mais c’est confiants et avec nos nouveaux billets de train dans la poche que nous rejoignons dès le lendemain Bamburi pour quelques jours de détente supplémentaires (voir mon article sur Bamburi).
Dimanche 13 avril. Fin d’après-midi. Nous entrons en gare de Mombasa. Enfin la ville n’a de gare que le nom. Je crois bien que c’est la première fois que je visite une gare sans hall. Quant aux quais, il n’est pas facile de se tromper ici, il n’y en a qu’un ! Le train se tient là, portes ouvertes, comme pour appeler à le visiter, comme s’il n’était qu’un simple train d’exposition. Notre wagon se trouve tout au bout du quai. Une longue marche pour Nolan et Timéo !
On nous a attribué les compartiments C et D du wagon 1207. On est loin d’avoir gagné le gros lot ! Dans le C, la fenêtre est coincée, impossible de l’ouvrir. Etant donné que les ventilateurs ne fonctionnent pas, le voyage promet d’être chaud ! Dans le D, l’échelle pour grimper sur le lit superposé est manquante. Bonjour les acrobaties ! Je trouve que pour 75 USD par personne (55 pour les enfants), c’est abusé. Je me console en découvrant la mini salle de bain privative…
Nous posons nos valises dans nos compartiments, avant de redescendre sur le quai où l’on respire mieux. Nos deux petits globe-trotters se défoulent comme ils peuvent.
19 heures sonne. Mais toujours aucun signe de départ.
Soudain, le haut-parleur grésille, puis crache une annonce en swahili. Mes connaissances dans cette langue étant périmées, j’attends avec impatience et inquiétude la traduction en anglais. “May I have your attention please. Due to circumstances beyond our control, the train to Nairobi will not leave at 7 pm”(« Votre attention s’il vous plaît. En raison de circonstances indépendantes de notre volonté, le train pour Nairobi ne partira pas à 7 heures »)… ta ta ta ta! Suspense. Je suis suspendue à la membrane du haut-parleur. « It has been delayed by a few minutes » (il a été retardé de quelques minutes). Rires de soulagement. On s’attendait à plusieurs heures de retard.
On partira finalement avec juste une demi-heure de retard.
Le billet de 1re classe inclut le diner et le petit déjeuner au wagon restaurant. Aussitôt après le départ, un homme passe dans les couloirs avec une petite clochette pour annoncer le dîner. Manger au wagon restaurant de ce train est une vraie expérience. Nous nous installons à l’une des douze tables de quatre places que comporte ce wagon. Un serveur vient prendre notre commande des boissons (non incluses). Au prix où l’on paie, on pourrait bien au moins nous servir de l’eau… On commande une bouteille d’eau et un soda pour les petits. Après réflexion, je décide de commander une bière, une Tusker. Je me lève pour rattraper le serveur. Ça bouge. Je manque de me casser la figure. Un policier passe, habillé d’une chemise bleue, et d’une kalachnikov à la main. En attendant le serveur, j’observe mon environnement. Les assiettes datent de 1982. Ça commence à remonter.
Je me laisse bercer par les bruits sourds qui rebondissent d’un mur à l’autre du wagon : les couverts qui grincent sur les assiettes, les mots diffus des conversations des passagers, … Mon esprit voyage en même temps que ce train et j’essaie de m’imaginer les premiers voyageurs qui empruntèrent cette ligne, au tout début du 20ème siècle.
C’est l’heure de se partager les couchettes. Les parents dans un compartiment ; les enfants dans un autre, Nolan en haut, Timéo en bas. Avant de dormir nous les laissons s’amuser tous les deux en haut. Chacun à leur manière, ils explorent ce nouvel univers. Et ils s’en paient une bonne tranche. Sauf quand Maman s’introduit dans leur cabane sans y être invitée.
Lundi 14 avril 2014 : J’ouvre les yeux à sept heures du matin. Je n’ai pas le souvenir de m’être réveillée. J’ai dormi sept heures d’affilée. Un record. Qu’est-ce qu’on dort bien dans le Lunatic Express !
Le petit-déjeuner est mauvais mais il a le mérite d’être complet. Heureusement, car le déjeuner n’est pas inclus dans le prix et à 13 heures, nous ne sommes toujours pas arrivés à destination. Il faut dire que le train roule à 50 kilomètres-heure !
Nous nous occupons comme nous pouvons.
Les arrêts sont très rares. Les paysages ne sont ni beaux ni pittoresques, pas plus que la vie en première classe. Mais quand on voyage avec des enfants, le train, c’est mieux que le bus ou la voiture pour se déplacer sur de longues distances. Et l’intérêt de voyager en train de nuit, c’est que l’on économise une nuit d’hôtel.
13h15. Les champs font place aux bidonvilles et aux décharges, signe que nous approchons de la capitale kenyane. C’est sous un ciel chargé de nuages que nous entrons dans Nairobi.
A peine avons-nous débarqués sur le quai, qu’un chauffeur de taxi nous accoste. Il propose de nous emmener à notre hôtel (Kahama Hotel) pour 1000 Ksh. 1000 Ksh, pour 5 kilomètres ?! il ne sait pas à qui il a affaire le bougre !
On l’envoie balader gentiment. Alex part en quête d’un taxi et me laisse patienter avec les enfants dans le hall de la gare, près des gardes armé.
Alex revient quelques longues minutes après avec un chauffeur qui nous fait la course à 500 Ksh. Mais quand je vois le taxi, je me demande lequel du chauffeur ou du véhicule est le plus vieux. C’est probablement le taxi le plus pourri du coin !
A travers la vitre, je découvre Nairobi. Je m’attendais à un joyeux bazar, comme au Caire par exemple. Rien de semblable. Nous roulons le long de larges avenues, bordées d’immeubles et de parcs. Mais les rues sont sales, et la ville n’a rien de charmant. Nolan, comme d’habitude, ne voit pas les mêmes choses que nous : « Regarde une dépanneuse », « Regarde y’a un bus ». Au feu rouge, un marchand insiste pour nous vendre ses bananes, qu’il nous met juste sous le nez, en passant sa main travers la fenêtre. Nolan demande : « Pourquoi il nous donne des bananes ? ».
Le Kahama Hotel est vraiment en bord d’autoroute. Mais il est confortable. Dès notre arrivée, j’organise notre excursion du lendemain au Nairobi National Park avec l’agence African Eagle.
Infos pratiques :
Prix d’un billet en première classe :
Adulte : 75 USD (60 euros)
Enfant : 55 USD (45 euros)
Le prix (en première mais également en seconde classe) inclut une couchette, ainsi qu’un dîner et un petit-déjeuner.
Horaires :
Départ annoncé : 19 heures
Arrivée annoncée : 10 heures le lendemain matin
MAIS retards fréquents. Par exemple, nous sommes partis à 19h30, donc avec une demi-heure de retard, et arrivés à 13h30, donc avec trois heures et demi de retard.
Temps de trajet :
Annoncé : 15 heures (19 heures – 10 heures le lendemain matin)
Réel : 18 heures (19h30 – 13h30 le lendemain après-midi)
Inconvénients :
C’est long. Il faut aimer le train !
C’est cher pour ce que c’est.
Avantages :
Economise une nuit d’hôtel
Moyen de transport idéal avec des enfants (toilettes à disposition, possibilité de se défouler en courant dans les allées)
C’est amusant de dormir dans un train et de manger à table dans un wagon restaurant
Pourquoi voyager en train plutôt qu’en avion ou en bus ?
- Le train c’est beaucoup plus cher que le bus mais beaucoup plus sûr
Le bus est la solution la moins onéreuse pour voyager de Mombasa à Nairobi. Mais il paraît que ce n’est vraiment pas sûr (mauvais état des bus et des routes, chauffeurs qui conduisent vite). Si vraiment on a un budget serré, et qu’on veut absolument voyager en bus, on choisit bien sa compagnie. Mais avec des enfants, on ne prend pas le risque.
- Le train c’est moins cher que l’avion (à moins de réserver ses billets longtemps à l’avance) mais beaucoup plus long.
En réservant ses billets d’avion avec Kenya Airways longtemps à l’avance, on peut s’en tirer pour moins cher que le voyage en train. Mais en le faisant à la dernière minute, c’est beaucoup plus cher.
Pour les voyageurs à petits budgets, le train est la solution idéale, à condition d’avoir du temps. Le train ne part que trois fois par semaine. En outre, le train a fréquemment du retard.
Merci pour ce voyage. Nous l’avons effectué il y a plusieurs années, rien ne semble avoir changé. Les couverts d’argent et les gants blancs des serveurs nous avaient impressionnés.